« Une femme, un homme viennent à votre rencontre. Ils viennent chez vous. Ce sont des artistes. Ils viennent recueillir ce qui fait, ou a fait, le sel de votre vie, de votre vie à Verdun : le cri aigu des martinets les soirs d’été, la joie de quelques pas de danse sous la halle, le souvenir de la gourmandise d’un vrai millefeuilles, l’odeur de Garonne en décrue, un joli but sur le terrain de foot, le parfum d’une pivoine…Ils recueillent comme on glane sur les plages- sans a priori sur le fruit de la quête.

Ils accueillent les témoignages de Verdunois, comme autant d’éclats de lumière. Par leur attention bienveillante, ils permettent les élans, les hésitations, les évocations, les silences. Ils engrangent en mémoire les paroles, les sourires, les fils invisibles qui font le mystère d’une rencontre. Ce sera la matière à leur création dont nous ignorons tout. Eux ignorent aussi encore, quelle forme elle prendra. Entre eux et nous, une confiance s’instaure qui permet de faire vivre en chacun une luciole, une lumière vive ou une lueur tremblée qui est joie de vie. Leurs œuvres exposées dans les vitrines de la rue Gabriel Péri sont fertiles, grâce à ce terreau d’humanité.

Des portraits. C’est la forme qu’ils ont finalement adoptée, alliant la complexité de la technique de vidéographie à celle du dessin manuel traditionnel des silhouettes de papier découpées sur calque. Des portraits donc. Des visages.

Le visage. Métaphore de l’Autre, de l’inconnu, de l’étranger qui attire, dérange, suscite de nouveaux horizons. Le visage. Métaphore de la relation. Peau nue du visage, en face à face de sensibilité, qui invite chacun à se déprendre de lui-même, s’il veut aller à la rencontre de l’autre, s’il veut s’ouvrir à l’essence de chaque être, à un au-delà souvent insoupçonné.*

Ces visages sont traversés par des paysages intérieurs propres à chaque personne, par les « holons » qui sont de petits personnages qui vivent les rêves en chacun. On se rend compte alors, que l’ordinaire de notre vie est habité par la beauté, qu’on peut être artistes de nos vies, juste par l’attention accordée à ces petits riens. Ces deux passeurs nous y invitent : « Habitons poétiquement la terre »*.

Sous les étoiles de la rue, les vitrines s’éclairent de cette singulière humanité, comme autant d’étoiles nouvelles en création. Au fil des rencontres, des liens se sont tissés grâce à ces deux émerveilleurs. En laissant se déployer la joie de la relation, et du lien qui est la vie, en son meilleur, Nina Vitale et Aymeric Reumaux ont ajouté du sel à notre vie. »

Odile Teulières, le 31/05/2014

*C’est le philosophe Lévinas qui écrit sur « l’épiphanie du visage ».
*C’est le poète Holderlin qui a proposé d’habiter poétiquement la terre.